L'histoire des fontaines à Paris

Les fontaines publiques font leur apparition dès le XIIIe dans les rues et jardins de Paris. Mais c’est le XIXe siècle qui dotera Paris d’une multitude de points d’eau. On en compte aujourd’hui 1200. Retour aux sources.

Sur les traces des premières fontaines

Les premières fontaines publiques connues datent du XIIIe siècle. Situées sur la rive droite, elles sont alimentées par les Sources du Nord, des eaux provenant des collines de Belleville et du Pré-Saint-Gervais. Collectées à l’origine pour les besoins de communautés religieuses, ces eaux alimentent ensuite les premières fontaines publiques. La plus ancienne aurait été installée dans le quartier des Halles. Il pourrait s’agir de l’ancêtre de la fontaine des Innocents, de la fontaine Maubuée ou de celle du Pilori. Durant plusieurs siècles, ces fontaines distribuent aux Parisiens une très faible quantité d’eau et de manière irrégulière.

1392 - La fontaine Maubuée

On la trouve mentionnée dès 1392 dans les lettres patentes du roi Charles VI destinées à mettre un terme aux concessions particulières accordées ou usurpées sur les eaux de Paris. Elle doit son nom – qui signifie « mauvaise buée » ou « mauvaise lessive » – à la mauvaise qualité de ses eaux. La fontaine que l’on peut admirer aujourd’hui fut construite en 1733 par Jean Beausire et son fils Jean-Baptiste Augustin. Elle fut démontée en 1937 pour rejoindre son emplacement actuel, en face du Centre Pompidou (4e). Et ne la cherchez pas pour remplir votre gourde : l’eau n’y coule plus depuis de longues années.

Fontaine Maubuée

1550 - La fontaine des Innocents

En 1550, le roi Philippe Auguste dote Paris de ses trois premières fontaines publiques, qui puisent leur eau dans l’aqueduc de Belleville. Majestueuse, la fontaine des Innocents est l’une d’entre elles. D’abord implantée à l’angle de la rue Saint-Denis et de l’actuelle rue Berger, la fontaine des Innocents est déplacée deux fois. Elle connaît de multiples modifications, pour être finalement reconstruite en l’honneur de Henri II par le sculpteur Jean Goujon et l’architecte Pierre Lescot. Classée monument historique en 1862, cette fontaine trône désormais au centre de la place Joachim-du-Bellay dans le 1er arrondissement de Paris. Elle est en cours de restauration.

1608 – La Samaritaine


Dès son installation à Paris, Henri IV (1553-1610) se préoccupe du manque d’eau potable dont souffre la population parisienne. Il ordonne la construction d’une pompe élévatrice des eaux de la Seine, nommée la Samaritaine, pour alimenter de nouvelles fontaines, équipée d’une fontaine, et qui sera utilisée jusqu’au milieu du XIXe siècle. Il engage également la construction d’un nouvel aqueduc.

Profession : porteur d’eau !

Les porteurs d’eau ont longtemps fait partie du quotidien des Parisiens. Ces « maîtres de l’eau » s’approvisionnaient dans la Seine ou aux fontaines publiques et vendaient leur butin dans les rues en criant : « A l’eau, à l’eau ! » Ils disparaissent en 1880 avec l’arrivée de l’eau courante dans les immeubles.

1872 - Les fontaines Wallace

Paris peut remercier Sir Richard Wallace (1818-1890). Emu par les souffrances endurées par les Parisiennes et les Parisiens, durant le siège de 1870-1871, qui les avait privés d’eau courante, cet Anglais fortuné a fait don à la ville de 50 fontaines à boire. La première Wallace est inaugurée en 1872 boulevard de la Villette et l’engouement est immédiat. Aujourd’hui, on en dénombre plus d’une centaine et elles fonctionnent toujours.

La fontaine Wallace est une œuvre du sculpteur Charles-Auguste Lebourg. Le modèle a été pensé pour pouvoir être reproduit en nombre, dans un matériau résistant facile à produire et entretenir : la fonte de fer.

Il existe 3 modèles de Wallace. Le grand modèle à cariatides est le plus répandu. Quatre cariatides se tournant le dos portent un dôme écaillé et décoré de dauphins. L’eau coule au centre de la fontaine. Ces fontaines étaient à l’origine équipées de gobelets en étain retenus par une chaînette, supprimés pour des raisons d’hygiène en 1952. Il existe également un modèle à colonnettes et un modèle à appliques, dont la fontaine de la rue Geoffroy Saint-Hilaire est le dernier exemplaire.

De nouvelles fontaines offertes à la population parisienne par Sir Richard Wallace (1872) | ©Musée Carnavalet / Roger Viollet

Le choix de la couleur revient quant à lui à Napoléon III et sa volonté d’introduire la nature dans la ville. Sept exemplaires de fontaines Wallace, de couleurs différentes, sont toutefois visibles dans le 13e et le 20e arrondissements. Elles illustrent la rencontre entre le Paris historique et le nouveau visage de la Ville.

Pour célébrer leurs 150 ans, une fontaine Wallace d’origine est installée en mars 2022 dans la cour du Musée Carnavalet, dédié à l’histoire de la Ville de Paris :

Les fontaines Wallace c'est vrai que dans l'imaginaire collectif c'est vraiment associé à l'image de Paris, à son paysage urbain. C'est quand même une chose assez remarquable qu'on soit aussi attaché à protéger le patrimoine historique et la fontaine Wallace.

Fabrice Boréa, responsable fontaine et mécanique à Eau de Paris.

Je suis Juliette Tanré-Szewczyk, je suis conservatrice du patrimoine. Cette année au musée Carnavalet, on a l'immense chance d'accueillir dans notre jardin une fontaine Wallace authentique à l'occasion du 150e anniversaire de la pose de la première fontaine Wallace à Paris. Les fontaines Wallace doivent leur nom à un anglais philanthrope, Sir Richard Wallace qui, après la guerre franco-prussienne donc on est en 1870 décide de faire don à la ville de Paris de 50 fontaine. Ça s'inscrit dans un courant philanthrope anglais très répandu d'installation de fontaines à eau pour inciter la population à privilégier l'eau plutôt que les boissons alcoolisées. Ces fontaines Wallace ont toujours en usage aujourd'hui sur la voie publique parisienne. Elles sont simplement coupées l'hiver pour des raisons gel mais tout le reste de l'année elles fonctionnent et permettent à chacun de bénéficier d'eau potable.

Mon rôle, c'est celui de préserver tout le patrimoine des fontaines à boire et en particulier les fontaines Wallace au travers de l'esthétique donc qu’elles restent fonctionnelles le plus longtemps possible. Vous avez trois gros blocs, la partie basse sur lequel vient se monter l'ensemble avec les cariatides qui portent une partie du dôme et puis la coiffe, le dôme. Elle pèse près de 600 kg. L'étape de dépose sur la

Place Denfert-Rochereau consistait d'abord à déposer la fontaine. Cela consistait à désassembler les différents blocs de la fontaine pour en parallèle, pouvoir la charger dans un camion pour l’amener pour la restauration. Une fois l'arrivée de la fontaine à l’atelier des Ormes, on a procédé à l’inspection détaillée de la fontaine pour voir s’il n’y avait pas de fissures et ils l'ont porté auprès de notre sous-traitant qui a fait le décapage donc le sablage de la fontaine pour faire en sorte de mettre les pièces à nu vraiment voir toutes les pièces et éventuellement les anfractuosités qu’il serait  nécessaire de réparer.

Je m'appelle Julian Boivin, je suis technicien de maintenance à l’atelier des Ormes sur Voulzy. Sur cette fontaine-là, cette jambe cassée a dû prendre un choc il y a quelques temps et elle a fissuré sur toute la partie basse. La première étape a été de désolidariser la jambe de son socle. Pour ça on a procédé à du perçage, du meulage. Ensuite on a décapé pour refaire une surface propre et adéquate pour accueillir la nouvelle jambe. En moyenne, il faut compter entre un et deux mois pour refaire une fontaine complètement. Une fois que la peinture a été faite, on a effectué le transport retour directement vers le site du musée Carnavalet pour pouvoir faire la pause sur site. Le travail vraiment soigné d'implanter dans les meilleures conditions avec la plus belle esthétique possible cette fontaine. C'est pas simplement pour sa qualité d'œuvres d'art qu'elle est exposée au musée mais vraiment comme un objet comme l'avait conçu Wallace à la fois utilitaire et décoratif. Chacun pourra venir remplir sa gourde à la fontaine wallace du musée Carnavalet à partir de ce printemps.

2002 - Les fontaines à l’Albien

En 1855, des forages entrepris dans la nappe de l’Albien mettent au jour une demi-douzaine de puits artésiens, c'est-à-dire des puits forés jusqu'à une nappe d'eau souterraine d’où l’eau jaillit spontanément. Si les forages anciens ont depuis été condamnés depuis, cinq nouveaux puits ont été réalisés entre 1996 et 2002, et tous servent aujourd’hui d’approvisionnement en eau de secours. Trois d’entre eux sont équipés de fontaines publiques situées place Paul Verlaine (13e arr.), square Lamartine (16e arr.) et square de la Madone (18e arr.). Signe particulier : elles contiennent une eau faiblement minéralisée et très riche en fer et sont donc équipées d’un système de régulation afin de rendre l’eau propre à la consommation.

Fontaine Albien | ©Emile Luider

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